L'association du Pays-Guillestrin, nous parle en ces termes de l'église paroissiale de Réotier.
Le curé Gondret (1863) dit : “Suivant la tradition locale Saint-Clément ne fit d'abord qu’une seule communauté avec celle de Réotier, sa voisine. Suivant le droit ecclésiastique, la paroisse détachée d'une église primitive est redevable à cette église matrice des droits de filiation. Nulle trace de tels droits nous a été laissée entre les deux paroisses”. Cette église primitive était celle de Saint-Pancrace, dont on voit encore les traces aujourd'hui, située à mi-chemin entre les deux villages. Des processions communes aux deux paroisses sur l’emplacement de cette église ont eu lieu jusqu’au début du XXe siècle. On ne sait que peu de choses sur l’église actuelle. Pourquoi est-elle isolée, perchée, serrée contre un pli ? On voit d'autres églises isolées mais à proximité d'un village. Ici, tout a été différent. Il faut parler d’urbanisme. Les gens des montagnes avant les églises, vivaient en hameaux autour des points d'eau, sur les pentes ensoleillées, là où la vallée s'élargit. Les limites des communautés étaient les mêmes qu'aujourd'hui. On trouvait le chef de clan dans l'un ou l'autre hameau. Les lieux de culte, les castellars, ne rassemblaient pas. C'est à la période romane, XIe- XIIe, que les maisons se groupent autour du château et de l'église formant nos villages. A Réotier, l'organisation antique a persisté. Le site n'offrait pas de lieu de regroupement, facile et confortable. Une particularité a été déterminante - la barre verticale du Grépon coupait les circulations horizontales. Elles se firent donc en bas au ras de la Durance, ou en haut au-dessus de l'arête.
Avant la voie cottienne, les itinéraires celtes empruntèrent peut-être le site de l'église. La voie cottienne comportait certainement ici une zone de surveillance sur le pays turbulent du tournant de la Durance. Un lieu de culte antique est très probable. L'église de la christianisation s'y implanta vers 500. Les moines romans, ceux de St. Michel de la Cluse, bâtirent une petite église. Quand le Comte d'Albon acheta le Dauphiné à l'Empereur, il y plaça un château. Réotier se retrouve comme les autres communautés avec église et château, mais excentrés : les maisons ne poussent pas autour. Pas de village ! Les pentes, le Grépon, la voie domitia en décidèrent autrement. L'administration médiévale va tout achever. Un mandement, une super-paroisse gère Réotier et St. Clément avec une église St. Pancrace isolée. L'église et le château sont diamétralement opposés et les hameaux subsisteront. Quel est le patron de cette église ? Le plus ancien semble avoir été St. Michel Archange. Peut-être à l’époque romane, les moines de la Cluse fixèrent-ils leur St. Michel ? Quand St. Blaise arriva-t-il ? Les patrons d'églises de village, et les limites des communautés depuis l'antiquité sont ici rigoureusement fixes. Il semble qu'à Réotier, on hésite quant au patron de l'église.
Une fouille méthodique révélerait certainement un souvenir païen au-dessous ou au-delà du chevet de l'église, puis celui de la christianisation peut-être dans les mêmes pierres. De l'église romane, on n'a pas de trace sauf peut-être dans le sol et les murs du chœur. Les clochers étaient alors très présents et n'ont pas été déplacés.
- Le clocher en pierres, galets et schistes bruts, avec orifices cintrés est du type des reconstructions après la Révolution. Il s'ouvre dans l’église par une petite porte surélevée dans le mur de la première travée. Le porche rectangulaire est de même facture que les faux chapiteaux et que les portes des maisons locales (XVIIIe - XlXe). On peut lui supposer un auvent au midi avec, sur les colonnes-support, les chapiteaux ornant actuellement le presbytère.
- Le chœur (probablement XIe) est carré sur croisée d'arc. Les peintures de la voûte, des arcs et des voûtes de la nef, avec motifs de fleurs et motifs géométriques, constituent après réfection, un décor XVIIIe caractérisé ; les plafonds et les voûtes décorés dans la région étaient identiques.
- La nef a été refaite au XVIe. Le mur ouest porte la trace d'un oculus. La nef rectangulaire est construite comme on le faisait ici au XVIIIe : elle comporte trois voûtes, séparées par des arcs doubleaux avec des chapiteaux géométriques à moulures. Les fenêtres et les portes, larges et rectangulaires, sont sous les arcs. Le sol est fait d'un plancher robuste et récent. Les hommes de Réotier en ont eux-mêmes assuré la réfection.
- Le mobilier de cette église mérite la curiosité. On y trouve peu de pièces d'art, par contre, tout a valeur culturelle et raconte l'histoire et les mentalités locales.
- Le maître autel en matériau industriel, plâtre amélioré, rappelle la mode des autels de marbre blanc du XIXe. Il fût donné par un Roterolle émigré.
- Deux statues dorées d'évêque enca-drent l'autel. A droite, c'est St Blaise. Saint Blaise est le saint patron peut-être depuis 500, peut-être plus tard. Sa fête est celle de Réotier.
- A gauche, c'est un St. Thomas Becket, du XIXe. La tradition locale connaît St. Thomas, apôtre, nom d’un hameau de Réotier le long de la voie cottienne. La chapelle au sud du hameau a disparu. A gauche de l'entrée, l'Archange St. Michel, fort en couleurs, terrasse le dragon. La statue est industrielle et récente. St. Michel, ange de Dieu, est cité par la bible. Il était aussi le patron de l'abbaye piémontaise de St. Michel de la Cluse, qui établit ici un prieuré au XIe.
- A droite de la porte d'entrée, on trouve Augustin. Cet évêque d'Hippone (Bône) est une des plus grandes figures de l'église. C'est un grand auteur romain. Il est arrivé ici avec les moines romans de la Prévôté d'Oulx, missionnaires en Vallouise et fondateurs de l'Abbaye Notre Dame de Calmes (Guillestre). Ils vivaient selon la règle des Chanoines de St Augustin. Le prénom est fréquent à Réotier.
- Marie, vierge couronnée à l'enfant, domine un autel mural face à la porte. La statue a été offerte vers 1910.
- On trouve encore St Joseph portant Jésus, St Antoine de Padoue, Ste Jeanne d'Arc en armure, Ste Thérèse de Lisieux.
- Les Fonts baptismaux sont au fond de l'église, constitués par une cuve évoquant un large bénitier sculpté en coquille comme à Montdauphin (XVIIe ).